Des solutions de mobilité rapides et moins coûteuses
Dans un contexte de forte demande pour plus de mobilité en ville, un réseau de transports en commun moderne et efficace apparaît comme la meilleure solution face aux embouteillages et à la pollution. C’est aussi un moyen de répondre aux problèmes de santé, de cohésion sociale et à certains besoins économiques de la ville.
Bruxelles ne fait pas exception, la région connaît bien des soucis de mobilité avec une forte utilisation de la voiture par ses habitants (32 % des trajets intra-Bruxellois) et par les navetteurs qui vont y travailler, additionnés de transports souvent piégés dans le trafic aux heures de pointes.
La politique de mobilité de Bruxelles-Capitale et une bonne partie de son budget sont focalisées sur le projet de la ligne de métro 3, et ce jusqu’en 2028. Celui-ci est en fait la finalisation d’une ligne déjà pensée en 1970. Allant de Bordet à Albert via Gare du Nord, Bourse et Gare du Midi, le trajet reprend dans sa partie sud le réseau de pré-métro existant passant au centre-ville, à la place des lignes de trams l’utilisant. Entre Gare du Nord et Bordet il s’étendra par le creusement d’un nouveau tunnel et la construction de nouvelles stations pour 900 millions d’euros. Cette section nord vise à remplacer le tram 55. Le début des travaux est prévu pour 2022 et la fin en 2028 pour un montant total estimé à 1,8 milliards d’euros.
Plusieurs études académiques réalisées sur le sujet notamment par Mathieu Strale et Frédéric Dobruszkes (ULB) nous proposent d’autres pistes et alternatives pour repenser la mobilité dans la partie nord de Bruxelles. On peut considérer que ce projet n’est pas la meilleure solution pour répondre aux besoins de mobilités actuels, aussi bien des bruxellois que des navetteurs issus de la périphérie. En effet, ce projet est cher, long à réaliser et il s’effectue au détriment de certaines lignes de trams importantes.
ALTERNATIVE 1: la mise en site propre des trams 55 et 25 avec prolongement direct vers le sud via le pré-métro.

Cette alternative consiste en un renforcement pur et simple de l’offre de tram sur les lignes 55 et 25, par la mise en site propre complète de ces lignes afin que celles-ci ne soient plus impactées par les embouteillages. Elle demande aussi la construction d’un nouveau tunnel entre Liedts et Bruxelles-Nord pour augmenter les fréquences des trams, le tunnel Thomas étant saturé en heures de pointes.
Le maintien du tram 55 permet de garantir une desserte plus locale et plus facile d’accès que le métro 3 qui aura moins de stations, toutes situées à une trentaine de mètres de profondeur (3 minutes pour atteindra les quais depuis la surface). C’est un détail non négligeable puisque 60% des usagers du tram 55 l’utilisent pour de courts trajets internes à Schaerbeek et Evere.
Un tram en site propre permet d’augmenter le niveau de service avec de plus grandes fréquences, de plus grands trams et une meilleure vitesse commerciale car les trams ne seraient plus piégés dans le trafic routier.
On peut également repenser les connexions et l’agencement des lignes de tram, par exemple un tram 55 en site propre pourrait être fusionnée avec le tram 4 ou bien le tram 51 afin de réduire le nombre de correspondances et renforcer les fréquences du corridor pré-métro Bruxelles-Nord/Bruxelles-Midi qui passe par Bourse.
Avantages :
– Des travaux bien moins coûteux que la méthode du tunnelier (entre 50 et 250 millions au lieu 1,8 milliards) et moins longs. Aucun travaux lourds hormis la construction d’un nouveau tunnel entre Liedts et Gare du Nord.
– Une offre plus adaptée aux usagers locaux du nord de Bruxelles.
– Une meilleure vitesse commerciale et une capacité et fréquence suffisante pour la demande future.
– Un accès direct en tram vers le centre-ville à la fois pour les habitants du nord et du sud de Bruxelles. En effet, avec le métro 3 les tram 4, 51 et 3 ne passeraient plus au centre-ville.
Inconvénients :
Avec la mise en site propre, la réduction de l’espace pour les voitures pourrait apporter certaines nuisances comme moins de places de parking pour les riverains et les commerces. Il faudra aussi repenser la fluidité du trafic routier dans certains quartiers. Mais d’un autre côté, cela réduirait sans doute plus l’utilisation de la voiture dans le secteur que le métro.
De fait, cela réduirait la pollution et rendrait les transports en commun plus attractifs que la voiture.
ALTERNATIVE 2: la mise en site propre des trams 55 et 25 avec prolongement direct du 55 vers le centre-ville en surface

Une autre solution serait de maintenir le tram 55 en surface jusqu’au centre-ville via rue du Brabant vers Gare du Nord et Rogier. Cela évite la construction d’un nouveau tunnel entre Gare du Nord et Liedts. La ligne pourrait même être ultérieurement prolongée en surface vers De Brouckère et Bourse voire jusqu’à gare du Midi sans grands soucis puisque le piétonnier en centre-ville a libéré de l’espace. Zones piétonnes et voies de trams étant parfaitement conciliables.
Avantages :
En plus des mêmes avantages que l’alternative 1, cette option permet une desserte 100% en surface, ce qui assure une meilleure desserte pour la population et les commerces locaux. De plus, le doublement de l’axe de tram Midi-Nord via Bourse, à la fois en souterrain et en surface permet de fortement augmenter la capacité de transport dans le cœur de Bruxelles.
Inconvénients :
Les travaux en surfaces seront plus importants que l’alternative 1, et les espaces pour la voiture comme les parkings seront encore un peu plus réduits.
Bien qu’à la fois les habitants du nord et du sud auront des liaisons directes vers le centre-ville, pour aller de Uccle ou St-Gilles à Schaerbeek ou Evere il faudra changer de tram en centre-ville, contrairement à l’alternative 1.
ALTERNATIVE 3: Prolongement du pré-métro au-delà de Bruxelles-Nord: la mise en souterrain du tram 55.

Il s’agit de prolonger le pré-métro sur la ligne du 55, une ligne souterraine plus facile d’accès car moins profonde avec un chantier en tranchée au niveau des voiries. La méthode du tunnelier est bien moins sûre, représentant un minimum de 6 ans de travaux avec possibilités de retards et de surcoûts en fonction de l’état des sols, d’autant plus que cette méthode n’a jamais été employée à Bruxelles.
Tout comme l’alternative 1, la ligne 55 pourrait également desservir le centre-ville en fusionnant avec le tram 4 ou 51.
Avantages :
Cette alternative présente exactement les mêmes avantages que l’alternative 1 tout en maintenant de l’espace pour les voitures et autres modes de transports comme le vélo en surface une fois les travaux terminés. Cependant les travaux seraient un peu plus coûteux que l’alternative 1 ou 2 mais avec un impact moindre sur le budget que le métro construit avec un tunnelier, de l’ordre de 200-300 millions d’euros au lieu de 900 millions avec le tunnelier (pour la section Gare du Nord-Bordet). Les stations seraient moins profondes, plus nombreuses et plus accessibles. Là aussi, les ucclois et schaerbeekois auraient tous deux un accès direct au centre-ville.
Inconvénients :
Des travaux lourds en surface (voiries ouvertes) et une vitesse commerciale tout de même plus faible qu’un métro.
Alternative complémentaire : la multi-modalité entre différents réseaux de transports

En plus de repenser et rénover les lignes de trams existantes, d’autres mesures peuvent être prises pour améliorer la mobilité et répondre adéquatement aux besoins à venir.
Encourager une utilisation plus locale des réseaux de Lijn, TEC et SNCB par les résidents de la région bruxelloise en intégrant les horaires et les signalisations pour les correspondances, ainsi que l’unification des tarifs. Cela permettrait aux utilisateurs du Nord de Bruxelles de se rendre plus rapidement au centre de Bruxelles sans passer par les trams.
Avec de Lijn :
L’offre de bus de Lijn provenant de la région flamande qui passe par Bordet et Gare du Nord via la Chaussée de Haecht et Botanique pourrait être renforcée au bénéfice des bruxellois et des habitants de la périphérie.
Avec la SNCB :
Le projet du métro 3 inclut des éléments pour les navetteurs et prend en compte le projet du RER. La région estime que les navetteurs s’arrêteront à Bordet depuis la gare RER ou via un parking de dissuasion encore loin d’être en voie de construction. La région pensait aussi accoler une gare RER à la future station Verboeckhoven, cependant celle-ci n’a pas été retenue dans le projet RER de la SNCB.
Par conséquent, le métro 3 ne semble pas vraiment répondre aux besoins des navetteurs ; surtout que ceux qui viennent en train S (RER) ont plus intérêt à directement se rendre dans des zones plus centrales. Le renforcement de l’offre de train S (projet de RER) est déjà sur les rails, il forme une alternative plus solide au métro 3 pour les navetteurs de la périphérie qui souhaitent directement aller dans les principales zones d’emplois que sont le quartier Nord, le centre-ville et le quartier européen.
D’une part, il est possible de se rendre dans le quartier Nord et au centre-ville (Bruxelles-Nord, Bruxelles-Centrale, Bruxelles-Midi) en provenance du Nord via la ligne S1 (Mechelen, Vilvoorde, Gare de Schaerbeek) et en provenance de l’Est via la ligne S2 (Leuven, Diegem, Haren-Sud, Gare de Schaerbeek).
D’autre part, pour se rendre dans le quartier européen (Bruxelles-Schuman, Bruxelles-Luxembourg ou via Mérode et le métro) il faut prendre, depuis le Nord, avec les lignes S4 et S5 (Mechelen, Vilvoorde, Haren, Bordet, Evere, Meiser) et depuis l’Est, avec la ligne S9 (Leuven, Diegem, Bordet, Evere, Meiser).

Avec des transports alternatifs:
Le développement de nouvelles pistes cyclables « RER vélo » dans les communes de Schaerbeek et Evere en collaboration avec la Flandre afin d’offrir un autre mode de transport pour rejoindre le centre-ville.
Ces alternatives peuvent être complémentaires et fournissent des solutions aux utilisateurs locaux et aux navetteurs de la périphérie, et ce à un coût bien moindre du métro 3 car il ne s’agit que du renforcement de lignes de transports existantes.
Avantages :
Ne nécessite aucun travaux lourds hormis la construction d’un nouveau tunnel entre Liedts et Bruxelles-Nord, ces mesures promeuvent une offre à la fois plus adaptée aux utilisateurs locaux du nord de Bruxelles et à la fois pour les navetteurs.
Inconvénients :
Nécessite une meilleure coopération interinstitutionnelle et interrégionale, notamment pour unifier la tarification des transports ou construire des pistes cyclables interrégionales.