1. Une vision dépassée et pro-voiture
Le métro est, aujourd’hui, présenté par les pouvoirs publics comme une solution d’avenir pour la mobilité de Bruxelles. Outre le projet de métro 3, la création de plusieurs nouvelles lignes de métro sont actuellement à l’étude. Pourtant, cette vision ressemble fortement aux projets de mobilité promus par les urbanistes fonctionnalistes dans les années 50. Le but était alors de séparer les flux de circulation en renvoyant le transport public en souterrain afin de ne pas gêner l’essor grandissant de l’automobile.
Aujourd’hui, rien n’a changé. Le métro apparaît comme une solution de compromis pour valoriser le transport public sans remettre en cause l’omniprésence de la voiture. En effet, une des manières de rendre les transports publics de surface performants est de créer des sites propres. Mais ceux-ci impliquent de prendre de la place en voirie sur l’espace actuellement dévolu aux voitures et à leurs stationnements. Le métro, lui, s’il permet d’éviter un bras de fer avec les communes et les automobilistes, enterre l’usager des transports en commun, le prive de contact direct avec la ville, et laisse le champ libre en surface pour le développement de l’automobile.

Aujourd’hui, on sait que lorsque l’espace dévolu à la voiture se réduit, les automobilistes s’organisent pour trouver des alternatives ou repensent leurs déplacements en fonction de leurs nécessités. Limiter l’espace routier serait donc un des moyens possibles pour atteindre l’objectif que la Région bruxelloise s’est fixé de réduire le trafic automobile de 20 %.
Un autre moyen pour réduire la pression routière est d’encourager le report modal des automobilistes vers les transports en commun. Mais le métro n’apparaît pas non plus comme la solution la plus efficace sur ce point : les études démontrent que le nombre d’automobilistes optant pour le transport en commun à la suite de la construction de la ligne 3 serait très faible : seuls 600 automobilistes par jour pour le tronçon Liedts-Bordet, soit moins d’1 % du trafic routier à Bruxelles.
Ce projet, d’un coût de 1,8 milliard d’euros, permettra donc tout au plus de limiter la croissance du trafic routier mais le nombre de voitures circulant à Bruxelles ne diminuera pas.

2. Un rapport coût / bénéfice discutable
Le projet de métro nord a été décidé dans l’accord du gouvernement régional en 2009 pour un coût estimé à 750 millions d’euros. Depuis cette date, le budget estimé ne fait qu’augmenter pour atteindre aujourd’hui 1,8 milliard d’euros. 72 % de ce coût est pris en charge par la Région de Bruxelles -Capitale et par l’État Fédéral via Beliris, le reste est à la charge de la STIB.
Malgré l’intervention de la Région et de Beliris, le projet de métro nord absorbe une partie conséquente du budget de la STIB empêchant dès lors le développement d’autres lignes de transport pourtant nécessaires (voir l’abandon du tram censé relier la Gare du Nord à Tour et Taxis) pour au moins les 10 prochaines années à venir, voire au-delà.
Le projet de ligne 3 concentre donc une grande partie du budget pour développer un seul couloir de mobilité au détriment du reste de la Région alors qu’il pourrait être utilisé différemment pour desservir plus finement l’entièreté du territoire bruxellois.

La rentabilité du projet peut également être questionnée puisque les experts considèrent qu’une nouvelle ligne de métro ne peut être justifiée qu’à partir d’un seuil situé entre 10.000 et 20.000 passagers par heure et par sens. La future ligne de métro 3 devrait offrir une capacité de 14.000 places par heure et par sens. Pour l’instant, on estime pourtant la fréquentation à 8000 voyageurs sur le tronçon Albert-Nord et à 2800 sur l’extension nord en heure de pointe. Le métro 3 serait dès lors sur-capacitaire et peu rentable, la densité de population à Evere étant trop faible pour justifier sa création.
Malgré toutes les critiques qui précèdent, aucune étude comparant les coûts et bénéfices du projet de métro 3 sur l’ensemble de la mobilité bruxelloise n’a été menée à ce jour.
3. Le métro avantage certains trajets au détriment d’autres
Le métro est utile pour de longs trajets mais peu intéressant pour les trajets courts.
En permettant de relier Bordet à Albert en une vingtaine de minutes, le gain de temps réalisé grâce au métro pour rejoindre l’hyper-centre de Bruxelles profitera principalement aux navetteurs embarquant à Evere. Pour les trajets à l’intérieur de la ville, les gains de temps seront plus minimes, voire rallongés.
En effet, en ce qui concerne les trajets internes à la commune de Schaerbeek, ceux-ci risquent d’être plus longs qu’actuellement en raison des techniques de construction pressenties.
En effet, pour creuser le nouveau tunnel devant relier Bruxelles-Nord à Bordet, les études préparatoires ont opté pour la technique lourde du tunnelier monotube de grande profondeur. Cette machine de 9 mètres de diamètre implique de creuser à 30 mètres sous terre.
En conséquence, il faudra prévoir plus ou moins 3 minutes depuis la surface pour parcourir les 3 ou 4 volées d’escalators (voire 6 à 8 volées d’escaliers si ils sont en panne) et rejoindre les quais. Soit l’équivalent d’un immeuble d’une dizaine d’étages. L’augmentation du temps de parcours des usagers se fera d’autant plus ressentir si ceux-ci doivent prendre une correspondance en surface.

Le remplacement du pré-métro actuel par la ligne de métro 3 impliquera aussi de nouvelles correspondances pour les usagers des trams 4 et 51 au sud de la Région qui verront leur trajet arrêté à la station Albert . Les usagers du tram 3 au nord de la Région perdront également leur lien direct actuel avec le centre-ville. Si le métro permet une plus grande vitesse pour les longs trajets, il renforce par ailleurs l’isolement de quartiers mal desservis.
4. Le projet prévoit la suppression du tram 55
Si le gouvernement et la STIB refusent de se prononcer sur la réorganisation du réseau de transport public suite à l’arrivée du métro, toutes les études préparatoires sont claires sur ce point : le projet de métro nord viendra remplacer la ligne de tram 55, saturée à certains moments de la journée et dont le tracé est jugé comme trop similaire au projet de métro.
Si la ligne 55 demande effectivement de nettes améliorations, son problème de saturation n’est pas lié à une demande trop forte mais à des fréquences de passage irrégulières dues aux conflits avec la circulation routière.
De plus, la ligne répond à une demande locale et joue un rôle que le projet de métro ne peut remplacer.
D’abord, parce que le projet de métro supprime 5 arrêts du 55 ayant une fonction de proximité. L’absence de ses stations rallongera le temps de parcours des usagers.
Ensuite, parce que la ligne de tram 55 offre une visibilité au noyau commercial d’Helmet, ce que le métro ne permet pas.
Enfin, et surtout, car le métro enterre profondément les usagers, ce qui rallonge les temps de parcours sur des petites distances mais rend également son accès plus difficile pour les usages du quartier. Pour les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées, les familles avec enfants ou même pour faire ses courses, une ligne de tram de surface est précieuse.

5. C’est un projet long et complexe à mettre en œuvre
D’abord annoncé pour 2021, puis pour 2025, ensuite pour 2028 et dernièrement (de manière très optimiste) pour 2030, le projet de métro nord ne cesse de prendre du retard alors que les permis d’urbanismes n’ont même pas encore été obtenus. Les retards qui s’observent sur la plupart des chantiers bruxellois, pourtant moins complexes, ne sont pas de nature à rassurer sur les délais annoncés.
Pourtant les besoins en mobilité à Bruxelles se font sentir dès aujourd’hui et des projets de tram plutôt qu’un métro pourraient être mis en œuvre beaucoup plus rapidement et à moindre coût.
De plus la technique de mise en œuvre pressentie du tunnelier, si elle permet de limiter les nuisances de chantier en surface, n’est pas sans risques puisqu’elle provoque des tassements du sol et qu’elle n’a jamais été réalisée à Bruxelles Il s’agirait du premier creusement de cette ampleur dans cette couche géologique au sein de la Région.

Pouvez vous nous donner plus d’information sur les études citées dans le chapitre 1 paragraphe 4 ? « Les études démontrent que…. »
Idem pour tous les chiffres pris en exemple dans le chapitre 2 paragraphe 4? C’est qui ON »?
« Pour l’instant, on estime pourtant la fréquentation à 8000 voyageurs sur le tronçon Albert-Nord et à 2800 sur l’extension nord en heure de pointe. Le métro 3 serait dès lors sur-capacitaire et peu rentable, la densité de population à Evere étant trop faible pour justifier sa création. »
Merci
Bonjour, en ce qui concerne les études relatives aux parts modales, elles ont été réalisée dans le cadre du rapport d’incidences environnementales de la modification du PRAS (chapitre 7) que vous pouvez télécharger ici : http://perspective.brussels/sites/default/files/documents/02_01_pras_liaison_ns_projet_rie_fr.pdf
Pour le deuxième chapitre, il est fait référence aux études préparatoires de BMN (rapport de synthèse) qui n’est pas en ligne mais que je peux vous envoyer sur demande. Les chiffres qu’on peut y voir recoupent ceux avancés dans le chapitre 4 du livre « Le rail, clé de la mobilité à Bruxelles » – P. Laconte et C. van den Hove , éditions Aliter, 2016.
Bonjour,
Il serai intéressant que vous preniez le temps de réaliser qqs comparaisons internationales afin d’appuyer vos arguments. On lit par exemple que Paris à un métro plus dense alors que c’est moins étendu que Bxl… Il me semble que par rapport à la population, le métro Bxl est déjà très étendu. Merci