Après la délivrance du permis de la station Toots Thielemans demandé par la STIB, le saucissonnage du projet de métro 3 (pas moins de 5 demandes distinctes pour ce qui constitue en réalité un seul et même projet) se poursuit avec les demandes de permis relatives aux tronçons situés entre la gare du Nord et Bordet, portées par Beliris et examinées par les commissions de concertation du 4 juillet (cahier de charges de l’étude d’incidences) et du 11 juillet (projet de tunnel à percer sous le chemin de fer de la gare du Nord).
Un saucissonnage que dénoncent nombre de comités d’habitants et d’associations, comme IEB (lire notre avis) et l’ARAU (lire l’avis) qui rappellent que ce procédé permet surtout d’éviter l’analyse d’alternatives plaçant les usagers et leurs besoins au cœur de la réflexion, qu’il rend impossible de développer une vue d’ensemble des incidences du projet de métro 3, et qu’il « tend à minimiser les conséquences qu’aurait sa mise en œuvre en les présentant sous un angle strictement local : les critiques émises sont dès lors disqualifiées car prétendument nimbystes »…
Et de fait : de Schaerbeek à Saint-Josse, de Bruxelles-Ville à Saint-Gilles, le métro 3 se heurte à des hordes de Bruxellois « nimbystes », qui s’avèrent être des riverains et associations ulcérés par les innombrables incohérences du projet, les dégâts urbains, sociaux et économiques qu’il ne manquera pas de causer alors qu’il ne prévoit une réduction du trafic automobile bruxellois que d’environ 0,6%… Dans cette nouvelle phase du projet, sont notamment pointés : la station Liedts mettant en danger de mort les commerces de la rue de Brabant, la station Verboeckhoven dotée d’un accès en plein cœur d’ilôt (!), les stations Tilleul et Paix distantes d’à peine 360 mètres, le square Riga défiguré, la profondeur des stations (jusqu’à 30 mètres sous sol), les problèmes de sécurité en cas d’évacuation (actuellement les pompiers n’ont pas donné leur accord), le débat entre tunnel monotube et bitube, sans parler des multiples nuisances liées à ce chantier colossal, ni du budget officiel (1,8 milliard d’euros) qui s’annonce largement dépassé au vu des problèmes techniques déjà repérés…
Même les communes se font critiques. Après celles de Saint-Gilles et Bruxelles-Ville lors de l’enquête publique sur la station Toots Thielemans, c’est au tour de Schaerbeek et de Saint-Josse de se faire entendre. Le Collège de Schaerbeek vient ainsi de remettre un avis incisif sur les manquements repérés dans l’approche de Beliris, dans lequel il demande notamment l’étude approfondie d’alternatives en matière de transports de surface, de protection du patrimoine, de localisation et de profondeur des stations, mais aussi l’ouverture du comité d’accompagnement à des experts indépendants, des mesures pour éviter les conflits d’intérêts au niveau des bureaux d’études, et la transparence tant sur les rapports justifiant la logique du projet actuel que sur les coûts du chantier : « Tous les acteurs du dossier et les riverains ont le droit de connaître les coûts réels actualisés qu’induirait la mise en œuvre de ce projet. Ces coûts – et surcoûts inévitables – sont susceptibles de porter atteinte aux capacités financières de la STIB, de Bruxelles Mobilité et de Beliris alors que d’autres investissements sont nécessaires en matière de transport public sur le territoire régional, et à Schaerbeek en particulier ».
Au moment où le futur gouvernement bruxellois semble proche d’un accord de majorité qui maintiendrait le métro 3 (ce qui plomberait pourtant ses propres marges de manœuvres pour les années à venir), IEB demande de ne délivrer aucun permis avant la réalisation d’une étude globale des incidences et des alternatives au projet de métro 3 qui engloberait au minium l’ensemble du trajet entre la Gare du Nord et Bordet. Cette étude d’opportunité devra comporter une véritable balance des coûts, des bénéfices et des inconvénients, notamment en terme environnemental, sur base d’hypothèses réalistes et d’alternatives plus diversifiées et en tenant compte de l’ensemble des défis auxquels la Région bruxelloise est confrontée.
P.S. Au moment d’écrire ces lignes, le déplacement de la Foire du Midi vers le plateau du Heysel est annoncé comme probable en raison du chantier de la station Toots Thielemans. Un déplacement que les autorités affirmaient pouvoir éviter lors de la procédure d’enquête publique…