Alors que de nombreux commerces de l’avenue de Stalingrad, déjà frappés de plein fouet par la crise du Covid, sont en train de subir un chantier pharaonique pour une station de métro dont l’utilité n’a jamais été démontrée, la STIB et Beliris annoncent aujourd’hui le début des travaux du métro 3 sous le grill de la Gare du Nord.
Ce « bout de tunnel » de 150 m situé entre la rue du progrès et la rue d’Aerschot doit servir de remisage des rames de métro pour la ligne Albert-Nord dans un premier temps, et de jonction entre la Gare du Nord et la Place Liedts à terme. Il constitue, comme le déclare le secrétaire d’État à l’urbanisme, une « étape irréversible » dans la construction du métro 3. Pourtant, l’étude sur les incidences environnementales du reste de la ligne de métro 3, soit les 4,5 km et les 7 stations à construire entre la Gare du Nord et Bordet, est toujours en cours de réalisation et l’enquête publique de ce permis ne devrait pas avoir lieu avant le mois de janvier 2022 ! En entamant un chantier aux conséquences « irréversibles », la STIB, Beliris et le Gouvernement bruxellois continuent de jouer la politique du fait accompli et du coup parti, et ce, au mépris du principe de la démocratie urbaine et de la protection de l’environnement.
Que se passera-t-il, par exemple, si l’étude ultérieure dans le cadre du tronçon de tunnel Liedts-Bordet arrive à la conclusion qu’un pré-métro plutôt qu’un métro est plus adéquat en ce qu’il implique des stations beaucoup moins profondes, se traduisant en gains notables pour tous les usagers du transport public, pour leur sécurité, l’accessibilité, la pénibilité des correspondances, etc ? Que se passera-t-il si cette étude conclut qu’une amélioration de la ligne de tram 55 est tout à fait à même de répondre aux objectifs de la ligne de métro 3 ? Ou même que le métro 3 est bien la meilleure solution, mais que le futur tunnel devrait être creusé avec deux petits tunneliers plutôt qu’un grand tunnelier comme le tunnel de la Gare du Nord en fait l’hypothèse ? Il sera trop tard pour changer d’orientation ou alors au prix de coûts si importants qu’on refusera de faire marche arrière.
Au-delà de l’entame du chantier à la gare du Nord, un autre verrouillage avait eu lieu le 13 mai 2020 lorsque Beliris lançait le marché public pour les 4,5 km de tunnel et les 7 stations à construire. Soit 19 mois avant que les conclusions de l’étude d’incidences environnementales soient connues et que se tienne la future enquête publique. Il est clair à ce stade que cette dernière ne servira donc que de simulacre pour avaliser un cahier des charges et des décisions prises bien en amont. Décisions qui paraissent prises sans avoir une connaissance approfondie des impacts environnementaux, sociaux et urbanistiques de la ligne dans son ensemble. Rappelons pourtant, que d’après les études existantes la ligne de métro 3 ne devrait pas provoquer de report modal significatif de la voiture vers le transport public (moins d’un pour cent des automobilistes), que son bilan carbone désastreux fera le bonheur des bétonneurs à tel point qu’il faudra attendre les années 2090 pour compenser ses émissions à gaz à effet de serre et que son coût, estimé à 1,8 milliard d’euros avant chantiers et donc surcoûts, risque de siphonner les budgets nécessaires à d’autres infrastructures de mobilité ou à tout autre politique susceptible de limiter l’étalement urbain et donc l’utilisation de l’automobile à Bruxelles.